Le cuir végétal porte, rien que par son nom, son lot de contradictions. En effet, au-delà même de l’oxymore et par définition, il s'agit de la peau d'un animal. Une peau qui a été transformée et fait référence à son type de tannage : un tannage végétal. Employée pour sa connotation éthique et naturelle par les marques et créateurs de mode bio, cette appellation trompe bien souvent les acheteurs qui pensent acquérir un « cuir » issu d'arbres et de plantes. Pour vous aider à y voir plus, nous allons vous expliquer :

- le cuir végétal, c’est quoi ;

- à partir de quels matériaux est-il fabriqué ;

- sa différence avec le cuir vegan.

 

bouton-produits-ecolo.png 

quartier-tanneurs-Fes.jpg

Le cuir végétal, c’est quoi ?

Le cuir végétal porte à confusion puisqu’il s’agit en fait d’un cuir « au tannage végétal ». Le tannage consiste à transformer les peaux animales en cuir par un traitement chimique qui modifiera entre autres, sa souplesse et sa résistance. On parle de tannage minéral lorsque sont utilisés les sulfates de chrome – qui sont majoritaires dans la production mondiale – et les sels d'aluminium ou les sels de zirconium.

Que faut-il savoir sur le tannage végétal du cuir ?

Aujourd’hui, le tannage au chrome est le plus fréquent parce qu’il est rapide à utiliser et son coût est moindre. En revanche, on ne peut lui attribuer des qualités environnementales et sanitaires pour les ouvriers des tanneries, malgré les nouvelles réglementations qui se veulent de plus en plus strictes. Ainsi, le chrome 3 est « autorisé », alors que le chrome 6, dérivé du premier, est normalement interdit.

Un procédé ancien

Le tannage végétal est une vieille histoire qui date du temps des premiers hommes. Au fil des siècles, le savoir-faire de nos ancêtres a évolué et l'on distingue désormais plusieurs sources de tanins végétaux, pour des rendus tous aussi différents, tels que :

- les bois ;

- les écorces ;

- les racines ;

- les feuilles de différentes espèces végétales.

Le cuir végétal peut ainsi s'obtenir au bout de 10 jours ou aussi bien après 8 semaines, selon son traitement, alors que la version au tannage chimique sera prête en 24h.

Un traitement vraiment écologique ?

Actuellement, le tannage végétal n’échappe pas – dans la plupart des cas – à des modifications chimiques. Sans compter la pollution engendrée par ses traitements industriels (coupe des arbres, méthodes d’extraction des tanins...). Néanmoins, le tannage minéral est incomparablement plus polluant avec l'emploi de ses métaux lourds tels que le chrome, et ses produits déversés dans les sols et rivières.

L'industrie de la mode préfère donc mettre en avant le côté écologique du tannage du cuir végétal. Mais elle se garde bien en contrepartie de communiquer sur les procédés plus polluants de la chaîne de production :

- les émissions de sulfure d'hydrogène ;

- les pesticides ;

- les conservateurs et solvants en tous genres.

Le véritable cuir végétal ou « éco-cuir »

Richard Wool est un professeur et ingénieur américain récompensé en 2014 par le World Green Design Award, le grand prix des innovations écologiques. Il a conçu un « éco-cuir ». Une association de :

- matières naturelles comme le coton ou le lin avec le maïs ou le soja ;

- huiles végétales.

Le produit de ses recettes aboutit à une matière qui présente des caractéristiques similaires au cuir : l’éco-cuir. Résistant à l'eau, perméable à l'air et robuste, il coûterait moins cher en production et serait biodégradable. S'il n'est à ce jour pas encore commercialisé, les grandes marques de sport telles que Adidas ou Nike étudient sérieusement le sujet. Cette innovation technologique est décidément une alternative éthique et écologique qui promet à ce cuir végétal de faire beaucoup parler de lui dans les années à venir.

 

La petite famille du « cuir vegan »

Le cuir vegan s’impose petit à petit dans l’univers de la mode. Conçu sans aucune matière d’origine animale, et sans aucun produit testé sur les animaux, il s’avère une alternative :

- éco-responsable ;

- mettant en avant la lutte contre la maltraitance animale. Mais comment se distingue-t-il concrètement du cuir végétal ? Est-il vraiment plus écologique ? Le moment est venu de faire le point.

Quelle est la différence entre cuir vegan et végétal ?

Le critère de distinction entre ces deux matières est leur composition :

- le cuir végétal est fabriqué avec des peaux animales ;

- la version vegan exclut toute matière animale, et se compose à la place de matières synthétiques, recyclées ou végétales.

Ainsi, un matériau vegan se veut plus éthique et écologique que du cuir. Il lui ressemble par sa souplesse, son aspect mais sa composition n’est pas identique. De nos jours, ce terme est principalement utilisé pour des raisons marketing. Techniquement, il faudrait employer les expressions « simili cuir » ou « faux cuir ». Mais elles ont une mauvaise image auprès des consommateurs.

De même, il faut faire attention aux matières premières utilisées pour la fabrication d’un cuir vegan. Si elles sont synthétiques (polyuréthane ou PVC), elles ne sont guère écologiques puisqu’il s’agit de sous-produits pétroliers, avec une empreinte carbone élevée. En revanche, si elles végétales ou recyclées, elles ont un impact plus positif sur l’environnement. C’est pourquoi, il faut redoubler de vigilance et bien lire les étiquettes lorsqu’on achète un sac ou des chaussures portant la mention « cuir vegan ».

Les matières premières utilisées pour fabriquer du cuir vegan

Actuellement, différentes matières issues de la nature servent à la fabrication du cuir vegan. En voici quelques-unes, qui illustrent bien les diverses possibilités qui s’offrent aux créateurs et marques de maroquinerie.


14199312_675099969310162_6685917310924397510_n-800x800.jpgLe cuir d'ananas
Cette invention espagnole appelée « Piñatex » est fabriquée à partir des feuilles de l'ananas. Ce sous-produit des récoltes de fruits est biodégradable et a un impact environnemental minime. Les fibres des feuilles récoltées et après mixtion présentent un matériau résistant et souple et comparable au cuir. On peut en prime lui attribuer la texture que l'on souhaite.

Le cuir d'eucalyptus
Les fibres issues des feuilles d'eucalyptus offrent également un matériau très résistant après transformation. Sans pesticides et en circuit court uniquement, le cuir d'eucalyptus est actuellement produit en Allemagne.

Le cuir de champignon
C'est une matière dénommée « Muskin » qui s'obtient à partir des chapeaux de champignons et sans tannage chimique. Élaboré en Italie, ce cuir de champignons est à la fois biodégradable et parfaitement écologique. Sa ressemblance avec le daim serait à s'y méprendre et on lui vante ses qualités de souplesse. Perméable à l'air et naturellement déperlant, cette matière organique empêcherait aussi le développement des bactéries.

Le cuir d'hévéa
C'est au Brésil que l'on fabrique le « tissu de la forêt » ou cuir d'hévéa. A partir de la sève de la plante, on obtient un latex végétal et 100% écologique et aussi résistant et souple qu'un cuir.

Le liège
Aujourd'hui, on le retrouve ordinairement dans la maroquinerie. Parce qu'il est totalement naturel, léger, imperméable et résistant, l'utilisation du liège est de plus en plus développée et il peut être utilisé de la même façon que le cuir. On le récolte de l'écorce du chêne liège et sa conception est éthique et sans impact environnemental.


Il existe encore bien d'autres alternatives à la peau animale. On pourrait aussi évoquer les cuirs de thé de kombucha à base d'algues ou du cuir à base de résidus de raisin... Quant au cuir végétal ou classique, sa famile s'agrandit au fil de son histoir emillénaire. Il n'a décidément pas fini de nous surprendre et de nous apprendre à vivre avec notre temps. Ainsi, il y en a pour tous les goûts !